Patients sur Internet, le rôle des Médecins 2.0
C’est une réalité, les patients surfent sur Internet à la recherche d’informations santé
Que ce soit en France, en Suisse ou ailleurs, les chiffres de la Banque mondiale sont clairs, plus de 80% de la population surfent sur Internet. Et souvent pour des questions santé: l’étude A la recherche du ePatient 1, réalisée en France en 2013, montre que l’utilisation d’Internet pour des questions santé est fréquente, 57% des internautes l’utilisent pour des questions médicales.
Cette étude montre que « les informations trouvées sur le net permettent de mieux prendre en charge sa santé ou celle de ses proches pour 61% des utilisateurs. Elles rendent la relation médecin-patient plus positive, grâce à des échanges plus riches (58%) et renforcent la confiance dans les médecins consultés pour un internaute santé sur deux ».
Lors des recherches d’information avant une consultation (19% des internautes santé), celles-ci sont essentiellement réalisées pour mieux comprendre ce que le médecin va dire (63%), pour pouvoir discuter avec lui du traitement (53%) ou pour poser de meilleures questions (42%). Les recherches réalisées après une consultation (34% des internautes santé) sont destinées à chercher des informations complémentaires sur la maladie (72%) ou sur les médicaments et les traitements (44%).
Les médecins ont un rôle à jouer
Comme nous l’écrivions dans Médecine 2.0 : Internet, le médecin et son patient2, les médecins ne doivent pas voir l’utilisation d’Internet par les patients comme une menace, mais plutôt comme une opportunité. Le temps disponible à la consultation étant limité, la recherche d’informations par le patient lui-même est essentielle, en particulier pour les maladies chroniques.
De plus, entre 40% et 80% de l’information délivrée par le personnel médical est immédiatement oubliée par les patients, et près de la moitié de l’information retenue est incorrecte3. Les raisons principales sont :
1. La terminologie médicale employée.
2. Le mode de délivrance de l’information (oral et non écrit).
3. Le niveau d’éducation des patients ou leurs attentes spécifiques.
La conséquence de cet état de fait est que de l’information cruciale est instantanément perdue au moment du transfert clinicien-patient, ce qui a des conséquences lourdes sur la capacité du patient à prendre en charge sa santé.
Non seulement les patients veulent être informés, mais ils veulent également que leur médecin leur recommande les meilleures sources d’information4.
Prescrire des sites Internet
Face à ces patients qui recherchent des informations sur Internet, la première étape pour le médecin est de se montrer ouvert et de ne pas simplement déclarer « internet, on y trouve n’importe quoi ». Les patients seront très reconnaissants envers leur médecin s’ils peuvent échanger avec lui sur ce qu’ils ont trouvé sur le web.
La deuxième étape est de diriger ses patients vers des sites médicaux de qualité, il en existe actuellement de très nombreux, y compris en français. Le but premier étant de transmettre aux patients qu’il existe d’autres sites que Google.
On peut schématiquement classer ces sites en deux types distincts :
Les portails médicaux: Ils permettront aux patients de trouver des informations validées. Pour les médecins suisses par exempe, le premier site à conseiller est le portail médical Planète santé. Pour les patients anglophones, les alternatives sont nombreuses, on peut par exemple penser à MedlinePlus ou à UpToDate Patients.
Les sites consacrés à une maladie. On peut à titre d’exemple penser à Nephroblog, guide de survie en néphrologie pour les patients souffrant d’affections rénales, au site urinaire.com pour les questions sur l’incontinence urinaire ou aux sites des Médecins-Maîtres Toile: abimelec.com pour les maladies de la peau et hepatoweb pour les maladies gastroentérologiques en sont deux exemples.
Les médecins doivent conseiller des sites santé car ce sont eux les experts. Chacun son domaine.
Mieux informé, mieux soigné
De nombreuses études5-7 montrent que les patients qui reçoivent de l’information sont plus à même de participer aux décisions médicales, de prendre leur santé en main et donc de l’améliorer, et ils sont plus satisfaits de leur prise en charge.
La prescription d’information peut cependant être limitée par un certain nombre de barrières3:
La réticence des patients à recevoir de l’information.
Le niveau insuffisant de littératie des patients et de leur expérience avec les ordinateurs et Internet.
Le manque de temps des professionnels de la santé.
La réticence des médecins.
Par rapport au rôle des médecins, il est intéressant de relever que les médecins qui utilisent peu Internet voient l’utilisation d’Internet par les patients comme négative. Les médecins plus ouverts à Internet retiennent eux les points positifs8:
«Le potentiel émancipateur d’Internet et son utilité pour renforcer le pouvoir d’agir (empowerment) des individus à l’égard de leur santé».
«Le recours à Internet permettrait surtout au patient de jouer un rôle plus actif, notamment parce qu’il poserait plus de questions pendant la consultation».
Prescrire des sites mais aussi publier sur Internet !
L’étude « A la recherche du ePatient » mentionné ci-dessus montre que si les patients n’utilisent pas Google, ils utilisent en priorité (65%) les sites spécialisés comme Doctissimo (5 millions de pages vues par jour), les forums de ces sites (62 %) et les encyclopédies en ligne comme Wikipédia (58 %), loin devant les pages officielles des pouvoirs publics (33 %) et les blogs de médecins et patients (20 %).
Ces sources d’information sont-elles de qualité ? Si l’on prend comme exemple Wikipedia, les résultats d’une étude parue dans le Journal of the American Osteopathic Association9 font peur : la quasi totalité des fiches sur les 10 maladies qui pèsent le plus sur le système de santé américain est erronée.
Wikipédia n’est à l’évidence pas une source d’informations exemptes de défauts. La plus belle étude réalisée sur Wikipedia est certainement celle effectuée par l’équipe du Dr P. Archambault et publiée dans le Journal of Medical Internet Research10. Elle permet de mieux connaître les limites de Wikipédia comme source d’informations santé. On y découvre que les 25 études recensées portant sur la qualité de l’information santé sur les Wikis, dont 24 ciblaient Wikipédia, sont surtout des études observationnelles : on manque donc d’études solides pour pouvoir vraiment répondre à la question des qualités et faiblesses des Wikis pour les questions santé. Quarante-quatre pourcent des auteurs concluent cependant que les informations sur la santé véhiculées par les wikis sont partiellement fiables mais pourraient être améliorées, alors que 28% jugent que leur contenu n’est pas fiable et ne doit pas être utilisé.
Malgré ces faiblesses, les auteurs croient fermement au potentiel des Wikis en santé. Nous les rejoignons dans leurs conclusions : pour que la qualité des Wikis s’améliore, les professionnels de la santé devront à l’avenir s’y investir plus que ce qu’ils ne le font actuellement : «Il faudra trouver des incitatifs pour encourager les professionnels de la santé à partager leur expertise ainsi que des façons d’intégrer ce partage de connaissances à leur travail quotidien».
L’université de San Francisco a fait le bon choix, les étudiants qui publient sur Wikipedia sont récompensés par des crédits de formation. Un exemple à suivre.
« Better health is not a science problem, it’s an information problem ».
Thomas Goetz, Wired Magazine
1.Cerisey C, Klein E, Marsico G, Mignon L. A la recherche du ePatient. Site de Patients & Web. [En ligne]. http://www.patientsandweb.com/wp-content/uploads/2013/04/A-la-recherche-du-ePatient-externe.pdf (Page consultée le 31.05.2014).
2. Jeannot JG. Médecine 2.0 : Internet, le médecin et son patient. PrimaryCare 2013,13 : n°22. [En ligne]. http://www.primary-care.ch/docs/primarycare/2013/22/fr/pc-f-00519.pdf (Page consultée 29.05.14).
3. Providing Health Information at the Inpatient’s Point of Medical Need. Journal of Consumer Health On the Internet. Volume 14, Issue 2, 2010. Patricia A. Ulmera & Susan Robishawa.
4. Diaz JA, Sciamanna CN, Evangelou E, Stamp MJ. Brief report: What Types of Internet Guidance Do Patients Want from Their Physicians? J Gen Intern Med. Aug 2005; 20(8): 683-685. [En ligne]. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1490184/ (Page consultée 29.05.14).
5. Adams RJ. Improving health outcomes with better patient understanding and education. Risk Manage Healthcare Policy;361:-72.
6. Coulter A. Cancer Reform Strategy Patient Experience Working Group. Evidence on the effectiveness of strategies to improve patients’ experience of cancer care. [En ligne]. http://www.pickereurope.org/assets/content/pdf/Project_Reports/Cancer_reform_strategy_Macmillan.pdf (Page consultée 29.05.14).
7. Epstein RM, Alper BS, Quill TE. Communicating evidence for participatory decision making. JAMA. 2004;291(19):2359. + Department of Health. Better information, better choices, better health: putting information at the centre of health. Quarry Hill: Leeds;2004.
8. Thoër C. Internet : un facteur de transformation de la relation médecin-patient ? [En ligne]. http://www.revuecsp.uqam.ca/numero/n10/pdf/RICSP_Thoer_2013.pdf (Page consultée 29.05.14).
9. Hasty RT, Garbalosa RC, Barbato VA, Valdes PJ Jr, Powers DW, Hernandez E, John JS, Suciu G, Qureshi F, Popa-Radu M, Jose SS, Drexler N, Patankar R, Paz JR, King CW, Gerber HN, Valladares MG, Somji AA. Wikipedia vs Peer-Reviewed Medical Literature for Information About the 10 Most Costly Medical Conditions. J Am Osteopath Assoc. 2014 May;114(5):368-73. doi: 10.7556/jaoa.2014.035. [En ligne]. http://www.jaoa.org/content/114/5/368.long (Page consultée 29.05.14).
10. Archambault PM, van de Belt TH, Grajales FJ 3rd, et al. Wikis and collaborative writing applications in health care: a scoping review. [En ligne]. http://www.jmir.org/2013/10/e210/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=wikis-and-collaborative-writing-applications-in-health-care-a-scoping-review (Page consultée le 04.012014).
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ePatients et Docteurs 2.0, des acteurs de Santé indispensables pour Denise Silber, #Doctors20.
3 Commentaires
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